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"On peut compter le nombre de pommes dans un pommier
mais pas le nombre de pommiers dans une pomme."
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Ces longs ponts traversant les cieux brillent de gloire et sacrifient leur arche aux multiples couleurs le vert gémit parfois le bleu dans sa douleur saigne comme un vrai dieu auquel il
nous faut croireSuivant un cours certain à travers les étoiles jaillit le lait béni qui fonda la blancheur trouée ainsi la nuit laisse couler sans voiles le galion incertain de l'angoisse
et des pleursNul ne triomphera dans cette cavalcade ô
Théâtre du
Monde illustré par l'horreur toute teinte exsudée ondule et devient fade quand le sel a perdu sa violente fraîcheurLes siècles ont transmis l'énigme et la sagesse les longs ponts dessinaient leurs sûres trajectoires au plan de la nature en joie et en détresse échos sans
volontés très fidèles miroirsRaymond Queneau
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Voix qui revenez, bercez-nous, berceuses voix : Refrains exténués de choses en allées, Et sonnailles de mule au détour des allées, -voix qui revenez, bercez-nous, berceuses voix. Flacons, et vous, grisez-nous, flacons d' autrefois : Senteurs en des moissons de toisons recélées, Chairs d' ambre, chairs de musc, bouches de Giroflées. -flacons, ô vous, grisez-nous, flacons d' autrefois.
Jean Moréas
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Ce que tu ne sais pas sur toi
Et que moi je sais
Ce qui ne t'appartient pas
Ce que jamais tu ne verras
Ce sont tes yeux
Et leur transformation surréelle
En velours mordoré d'or de sous-bois
Quand un trait égaré de soleil les accroche
Jean Baptiste Cabaudhttp://www.jeanbaptistecabaud.fr/
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Sous les arbres
Avec tous les oiseaux d'enfance
Entre leurs bras
Le flot entre leurs racines
Mais l'on ne sait comment
Être intérieurement là
Pour lui vivre est alors plutôt
Se tenir
Dans l'ombre qui survient
Ses jeux ne duraient pas
Un seul vaut
Celui de dire
Et peut-être celui d'aimer
Si l'autre quelqu'un
Joue le même que soi
Là-bas c'était
D'être caché
En ce qu'on ne voit pas
Non dans les ombres de la terre
Qui sont encore des choses
Mais dans celle unique
Survenante
De l'esprit
Dont il reçut
L'invisibilité
Se tenait aussi
Sous les branches lunaires
Du saule
Accroupi sans rien faire
Que regarder devant
Penser à l'inutilité
Des mondes hors de soi
— Qu'y a-t-il qu'on ne sache
Et ne croyant pas au secret
À l'enfouissure au camouflement
Pas même aux livres d'aventure
Mais seulement au silence
À la sonorité de son effacementSerge Marcel Roche
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Celui-là, c'est dans le jour qu'il apparaît, dans le jour le plus blanc.
Oiseau.
Il bat de l'aile, il s'envole.
Il bat de l'aile, il s'efface.
Il bat de l'aile, il réapparaît.
Il se pose.
Et puis il n'est plus.
D'un battement il s'est effacé dans l'espace blanc.
Tel est mon oiseau familier, l'oiseau qui vient peupler le ciel de ma
petite cour.
Peupler?
On voit comment...
Mais je demeure sur place, le contemplant, fasciné par son apparition,
fasciné par sa disparition.
Henri Michaux
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[...] Un fou, Van Gogh ?
Que celui qui a su un jour regarder une face humaine regarde le portrait de Van Gogh par
lui-même, je pense à celui avec un chapeau mou.
Peinte par Van Gogh extralucide, cette figure de boucher roux, qui nous inspecte et nous
épie, qui nous scrute avec un œil torve aussi.
Je ne connais pas un seul psychiatre qui saurait scruter un visage d'homme avec une force
aussi écrasante et en disséquer comme au tranchoir l'irréfragable psychologie.
L'œil de Van Gogh est d’un grand génie, mais à la façon dont je le vois me disséquer moi-
même du fond de la toile où il a surgi, ce n’est plus le génie d’un peintre que je sens en ce moment
vivre en lui, mais celui d'un certain philosophe par moi jamais rencontré dans la vie.
Non, Socrate n’avait pas cet œil, seul peut-être avant lui le malheureux Nietzsche eut ce
regard à déshabiller l’âme, à délivrer le corps et l’âme, à mettre à nu le corps de l'homme, hors des
subterfuges de l'esprit.
Le regard de Van Gogh est pendu, vissé, il est vitré derrière ses paupières rares, ses
sourcils maigres et sans un pli.
C’est un regard qui enfonce droit, il transperce dans cette figure taillée à la serpe comme
un arbre bien équarri.
Mais Van Gogh a saisi le moment où la prunelle va verser dans le vide, où ce regard, parti
contre nous comme la bombe d'un météore, prend la couleur atone du vide et de l’inerte qui le
remplit.
Mieux qu’aucun psychiatre au monde, c’est ainsi que le grand Van Gogh a situé sa
maladie.
Je perce, je reprends, j'inspecte, j'accroche, je descelle, ma vie morte ne recèle rien, et le
néant au surplus n’a jamais fait de mal à personne, ce qui me force à revenir au dedans, c’est
cette absence désolante qui passe et me submerge par moments, mais j'y vois clair, très clair,
même le néant je sais ce que c'est, et je pourrais dire ce qu'il y a dedans.
Et il avait raison, Van Gogh, on peut vivre pour l'infini, ne se satisfaire que d'infini, il y a
assez d'infini sur la terre et dans les sphères pour rassasier mille grands génies, et si Van Gogh
n'a pas pu combler son désir d’en irradier sa vie entière, c’est que la société le lui a interdit.
Carrément et consciemment interdit.
Il y a eu un jour les exécuteurs de Van Gogh, comme il y a eu ceux de Gérard de Nerval,
de Baudelaire, d'Edgar Poe et de Lautréamont.
Ceux qui un jour ont dit :
Et maintenant, assez, Van Gogh, à la tombe, nous en avons assez de ton génie, quant à
l'infini, c’est pour nous, l'infini.
Car ce n'est pas à force de chercher l'infini que Van Gogh est mort, qu’il s’est vu contraint
d’étouffer de misère et d’asphyxie, c'est à force de se le voir refuser par la tourbe de tous ceux qui,
de son vivant même, croyaient détenir l'infini contre
lui ;et Van Gogh aurait pu trouver assez d'infini
pour vivre pendant toute sa vie si la conscience bestiale de la masse n’avait voulu se l'approprier
pour nourrir ses partouses à elle, qui n’ont jamais rien eu à voir avec la peinture ou avec la poésie.
De plus, on ne se suicide pas tout seul.
Nul n’a jamais été seul pour naître.
Nul non plus n’est seul pour mourir.
Mais, dans le cas du suicide, il faut une armée de mauvais êtres pour décider le corps au
geste contre nature de se priver de sa propre vie.
Et je crois qu'il y a toujours quelqu'un d’autre à la minute de la mort extrême pour nous
dépouiller de notre propre vie.
Ainsi donc, Van Gogh s'est condamné, parce qu'il avait fini de vivre et, comme le laisse
entrevoir ses lettres à son frère, parce que, devant
la naissance d'un fils de son frère, il se sentait
une bouche de trop à nourrir.
Mais surtout Van Gogh voulait enfin rejoindre
cet infini pour lequel, dit-il, on s’embarque
comme dans un train pour une étoile, et on s’embarque le jour où l’on a bien décidé d’en finir avec
la vie.
Or, dans la mort de Van Gogh, telle qu’elle s’est produite, je ne crois pas que ce soit ce qui
s’est produit.
Van Gogh a été expédié du monde par son frère, d’abord, en lui annonçant la naissance de
son neveu, il a été expédié ensuite par le docteur Gachet, qui, au lieu de lui recommander le repos
et la solitude, l’envoyait peindre sur le motif un jour où il sentait bien que Van Gogh aurait mieux
fait d'aller se coucher.
Car on ne contrecarre pas aussi directement une
lucidité et une sensibilité de la trempe de
celles de Van Gogh le martyrisé.
Il y a des consciences qui, à de certains jours, se tueraient pour une simple contradiction,
et il n’est pas besoin pour cela d’être fou, fou repéré et catalogué, il suffit, au contraire, d’être en
bonne santé et d’avoir la raison de son côté.
Moi, dans un cas pareil, je ne supporterai plus sans commettre un crime de m’entendre dire
: "Monsieur Artaud, vous délirez", comme cela m’est si souvent arrivé.
Et Van Gogh se l'est entendu dire.
Et c’est de quoi s’est tordu à sa gorge ce nœud de sang qui l’a tué. [...]
Antonin ARTAUD
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Mon Olivine
Ma Ragamuche
je te stoptatalère sur la bouillette mirkifolchette
J'aracramuze ton épaulette
Je crudimalmie ta ripanape
Je te cruscuze
Je te golpède
Ouvre tout grand ton armomacabre
et laisse le jour entrer dans tes migmags
Ô Lunèthophyne
je me penche et te cramuille
Ortie déplépojdèthe
j'agrimanche ta rusplète
Et dans le désert des marquemacons tes seins obèrent
le silence
Claude Gauvreau
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