• Voyez ces jeunes couples tournoyer dans la valse gracieuse. Leurs pieds rapides effleurent à peine le sol. Sont-ce des ombres fugitives délivrées du fardeau des corps, ou des génies qui poursuivent leurs danses aériennes aux rayons de la lune ? Légers comme la vapeur incertaine que le souffle du vent balance dans les airs, comme la barque qui se balance sur une onde argentée, leurs pas suivent avec art les cadences de la musique.

    Tout à coup un couple hardi s’élance au milieu des rangs épais. Il veut se frayer un passage, une main magique ouvre le chemin devant lui et le referme aussitôt. Le voilà qui disparaît à nos yeux, et l’élégant assemblage ressemble à une œuvre de confusion ; mais l’ordre joyeux se rétablit, le nœud se délie, la symétrie reparaît avec un charme nouveau. Sans cesse brisée elle renaît sans cesse, une loi certaine dirige ses changements continuels. Comment ces mouvements se renouvellent-ils ainsi, comment le repos apparaît-il encore dans ces groupes mobiles ? Comment, en n’obéissant qu’à l’instinct du plaisir, chacun dans ces bonds impétueux suit-il la ligne qu’il doit suivre ? Veux-tu le savoir ? C’est la puissance de l’harmonie qui fait de ces bonds impétueux une danse agréable, qui, pareille à Némésis, conduit et gouverne avec le frein doré du rhythme le plaisir turbulent. Ô homme, et les harmonies des mondes raisonnent en vain autour de toi, tu n’entends pas leur accord sublime, tu n’entends pas la mélodie des êtres et le mouvement des astres brillants qui poursuivent leur route dans l’espace. Tu oublies dans tes actions l’ensemble harmonieux que tu respectes dans tes jeux.

     



    Friedrich Schiller


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  • Bonjour à toutes et à tous

    Comme vous avez pu le remarquer moins de publications en ce moment.

    Je prends des petites vacances.

    A bientôt et bonnes vacances à toutes et à tous.


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  • Il marchait sur un pied sans savoir où il poserait l’autre. Au tournant de la rue le vent balayait la poussière et sa bouche avide engouffrait tout l’espace.

    Il se mit à courir espérant s’envoler d’un moment à l’autre, mais au bord du ruisseau les pavés étaient humides et ses bras battant l’air n’ont pu le retenir. Dans sa chute il comprit qu’il était plus lourd que son rêve et il aima, depuis, le poids qui l’avait fait tomber.

     

    Pierre Reverdy

     

    © Gallimard




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  • On entend le soleil grésiller sur les tuiles,

    La cigale éveillée fait crépiter juillet.

    Comme dans une église, on sent les parfums d'huile

    De l'olive qu'on pile, à l'ancienne, au maillet.

     

    On entend le mistral qui fait chanter les pierres

    Du château décati sous le poids des chaleurs.

    Sa musique aigrelette humecte les paupières

    Des Pâques terminées jusqu'à la Chandeleur.

     

    On entend le printemps qui promène sa houle

    Sur la garrigue offerte au ciel toujours azur.

    Dans un pin centenaire, un pigeonneau roucoule :

    C'est la passé qui donne une force au futur.

     

    On entend l'aube bleue qui, sur la montagnette,

    Réveille la lavande et la touffe de thym,

    Mais sait-on écouter, lorsque le temps s'arrête,

    Ces morceaux de bonheur offerts par le matin.

     

    René Ligavant ed Centre International Des Arts Et Lettres


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  • Ton sourire sapide

    je le prends

    et le laisse fondre

    sous ma langue

    trois fois par jour

     

    Thomas Vinau Juste après la pluie Alma Editeur


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  •  

    Je me souviens qu'un été récent, alors que je marchais une fois de plus dans la campagne, le mot joie, comme traverse parfois le ciel un oiseau que l'on n'attendait pas et que l'on n'identifie pas aussitôt, m'est passé par l'esprit et m'a donné, lui aussi, de l'étonnement.
    Je crois que d'abord, une rime est venue lui faire écho, le mot soie ; non pas tout à fait arbitrairement, parce que le ciel d'été à ce moment-là, brillant, léger et précieux comme il l'était, faisait penser à d'immenses bannières de soie qui auraient flotté au-dessus des arbres et des collines avec des reflets d'argent, tandis que les crapauds toujours invisibles faisaient s'élever du fossé profond, envahi de roseaux, des voix elles-mêmes, malgré leur force, comme argentées, lunaires.
    Ce fut un moment heureux ; mais la rime avec joie n'était pas légitime pour autant.


    Philippe Jaccottet extrait de : à la lumière d'hiver


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  •  

    A la place du ciel

    Je mettrai son visage

    Les oiseaux ne seront

    Même pas étonnés

     

    Et le jour se levant

    Très haut dans ses prunelles

    On dira: "le printemps

    Est plus tôt cette année?"

     

    Beaux yeux, belle saison

    Viviers de lampes claires

    Jardins qui reculez

    Sans cesse l'horizon

     

    On fait déjà les foins

    Le long de ses paupières

    Les animaux peureux

    Viennent à la maison

     

    Je n'ai jamais reçu

    Tant d'amis à ma table

    Il en vient chaque jour

    De nouvelles étables

     

    L'un apporte sa faim

    Un autre la douleur

    Nous partageons le peu

    Qui reste tous en choeur

     

    Qu'un enfant attardé

    Passe la porte ouverte

    Et devinant la joie

    Demande à me parler

     

    Pour le mener vers moi

    Deux mains se sont offertes

    Si bien qu'il a déjà

    Plus qu'il ne désirait

     

    La chambre est encombrée

    De rivières sauvages

    Dans le foyer s'envole

    Une épaisse forêt

     

    Et la route qui tient

    En laisse les villages

    Traîne sa meute d'or

    Jusque sous les volets

     

    Tous mes fruits merveilleux

    Tintent sur mon épaule

    Son sang est sur ma bouche

    Une flûte enchantée

     

    Je lui donne le nom

    De ma première enfance

    De la première fleur

    Et du premier été

     

    René Guy Cadou  Hélène ou le règne végétal (Seghers 1952)

     


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  • Nus

    Jamais nous ne serons assez nus. Pour le soleil comme pour nos yeux.

    Jamais. Jamais assez transparents pour la danse.Nous devenons liquides d'avoir tant bu de miel.Nos veines forment des volutes.
    Un jour t'en souviens-tu, je me suis habillé de mousse.
    Il faudra tout de même revêtir nos corps tout à l'heure pour descendre au village.Mais dans nos yeux le couchant sera visible de tous.
    Ils devineront peut-être que le vent nous a traversé.

     

    Joruri

     


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