• M'étant penché en cette nuit à la fenêtre,

    je vis que le monde était devenu léger

    et qu'il n'y avait plus d'obstacles.

    Tout ce qui

    nous retient dans le jour semblait plutôt devoir

    me porter maintenant d'une ouverture à l'autre

    à l'intérieur d'une demeure d'eau vers quelque chose

    de très faible et de très lumineux comme l'herbe :

    j'allais entrer dans l'herbe sans aucune peur,

    j'allais rendre grâce à la fraîcheur de la terre,

    sur les pas de la lune je dis oui et je m'en fus..

     

    Philippe Jaccottet


    14 commentaires

  • 5 commentaires

  • 3 commentaires

  • 2 commentaires
  • J'aime penser que la lune est là, même si je ne la regarde pas. 


    4 commentaires
  • Quitter un appartement. Vider les lieux.
    Décamper. Faire place nette. Débarrasser le
    plancher.
    Inventorier, ranger, classer, trier.
    Éliminer, jeter, fourguer.
    Casser.
    Brûler.
    Descendre, desceller, déclouer, décoller, dévisser,
    décrocher.
    Débrancher, détacher, couper, tirer, démonter,
    plier, couper.
    Rouler.
    Empaqueter, emballer, sangler, nouer, empiler,
    rassembler, entasser, ficeler, envelopper,
    protéger, recouvrir, entourer, serrer.
    Enlever,
    porter, soulever.
    Balayer.
    Fermer.
    Partir.

    Georges Perec

     


    6 commentaires
  •  

    Sur mes cahiers d'écolier
    Sur mon pupitre et les arbres
    Sur le sable sur la neige
    J'écris ton nom

     

    Sur toutes les pages lues

     
     
    Sur toutes les pages blanches
    Pierre sang papier ou cendre
    J'écris ton nom

    Sur les images dorées
    Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J'écris ton nom

    Sur la jungle et le désert
    Sur les nids sur les genêts
    Sur l'écho de mon enfance
    J'écris ton nom

     

    Sur les merveilles des nuits
    Sur le pain blanc des journées
    Sur les saisons fiancées
    J'écris ton nom

     

    Sur tous mes chiffons d'azur
    Sur l'étang soleil moisi
    Sur le lac lune vivante
    J'écris ton nom

    Sur les champs sur l'horizon
    Sur les ailes des oiseaux
    Et sur le moulin des ombres
    J'écris ton nom

    Sur chaque bouffée d'aurore
    Sur la mer sur les bateaux
    Sur la montagne démente
    J'écris ton nom

    Sur la mousse des nuages
    Sur les sueurs de l'orage
    Sur la pluie épaisse et fade
    J'écris ton nom

    Sur les formes scintillantes
    Sur les cloches des couleurs
    Sur la vérité physique
    J'écris ton nom

    Sur les sentiers éveillés
    Sur les routes déployées
    Sur les places qui débordent
    J'écris ton nom

     

    Sur la lampe qui s'allume
    Sur la lampe qui s'éteint
    Sur mes maisons réunis
    J'écris ton nom

     

    Sur le fruit coupé en deux
    Dur miroir et de ma chambre
    Sur mon lit coquille vide
    J'écris ton nom

    Sur mon chien gourmand et tendre
    Sur ses oreilles dressées
    Sur sa patte maladroite
    J'écris ton nom

    Sur le tremplin de ma porte
    Sur les objets familiers
    Sur le flot du feu béni
    J'écris ton nom

     

    Sur toute chair accordée
    Sur le front de mes amis
    Sur chaque main qui se tend
    J'écris ton nom

     

    Sur la vitre des surprises
    Sur les lèvres attentives
    Bien au-dessus du silence
    J'écris ton nom

    Sur mes refuges détruits
    Sur mes phares écroulés
    Sur les murs de mon ennui
    J'écris ton nom

     

    Sur l'absence sans désir
    Sur la solitude nue
    Sur les marches de la mort
    J'écris ton nom

     

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l'espoir sans souvenir
    J'écris ton nom

    Et par le pouvoir d'un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

    Liberté.



    Paul Eluard
    in Poésies et vérités 1942
    Ed. de Minuit, 1942

    5 commentaires
  •  

    Comme je m’acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent du Nord.
    Il était vêtu d’un grand manteau de neige et sa couronne de glaçons étincelait.
    Il me dit: «Laisse-moi t’emporter vers les immuables blancheurs.
    «Tu verras les aurores incomparables, les mers immobiles et lumineuses, les 
    montagnes de cristal qui flottent sur les eaux et les solitudes pâles au fond de 
    l’éternel silence.»
    
    Je répondis au Vent du Nord:
    
    «Mon âme est retenue au village par le sourire indécis d’une vierge.»
    Le Vent du Nord s’enfuit dans un frisson d’ailes.
    Comme je m’acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent de l’Est.
    Il était vêtu de pourpre et sa couronne de rayons flamboyait.
    Il me dit: «Laisse-moi t’emporter vers la lumière.
    «Tu verras le faste des couleurs, les dorures des pagodes aux clochetons 
    bizarres, le chatoiement soyeux des robes de mousmés et la naissance glorieuse 
    du Soleil.»
    
    Je répondis au Vent de l’Est:
    
    «Mon âme est retenue au village par le sourire indécis d’une vierge.»
    Le Vent de l’Est s’enfuit dans un frisson d’ailes.
    Comme je m’acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent du Sud.
    Il était vêtu d’or et sa couronne d’étoiles resplendissait.
    Il me dit: «Laisse-moi t’emporter vers l’azur.
    «Tu verras les forêts aux végétations paradoxales, la grâce des lionnes et la 
    subtilité des panthères, les reptiles indolents et splendides, les temples et 
    les ruines, les sphinx accroupis dans les déserts, les oasis et les mirages, et 
    l’inexprimable magnificence des fleurs.»
    
    Je répondis au Vent du Sud:
    
    «Mon âme est retenue au village par le sourire indécis d’une vierge.»
    Le Vent du Sud s’enfuit dans un frisson d’ailes.
    Comme je m’acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent de l’Ouest.
    Il était vêtu de vert tendre et sa couronne de perles rayonnait.
    Il me dit: «Laisse-moi t’emporter vers la mer.
    «Tu verras l’infini des horizons ruisselants et le charme mystique des brumes, 
    le passage des voiles dont la blancheur légère se colore, vers le soir, de 
    violet et d’orange, et l’étendue fabuleuse des Océans.» 
    
    Je répondis au Vent de l’Ouest:
    
    «Mon âme est retenue au village par le sourire indécis d’une vierge.»
    Le Vent de l’Ouest s’enfuit dans un frisson d’ailes.


    Renée Vivien

     

     

     

     


    6 commentaires
  • Quand la mer est tranquille,

    chaque bateau

    a un bon capitaine.


    5 commentaires
  • Photo de Aurélie Biniek.


    19 commentaires