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LIBERTE CHERIE
Tout est complet, inscrit. Chaque tige,
chaque feuille gravée dans la matière
du ciel. Même l'eau arrondit ses
molécules sur le modèle de l'horizon,
ourlant cette longue vague volup-
tueuse sous la paume de la brise. La
virgule d'un triton vient juste avant la
fin de la dictée. Et pourtant manque le
point. La phrase alerte ne cesse d'aller
à sa guise, de pousser plus loin, à la
découverte. Le mouvant palimpseste
était calligraphié dès l'origine, mais à
chaque instant, chez le dernier venu,
des mots surprises se structurent, se
peaufinent. Et partout la caline
murmure : allons, la vie, on improvise !
Jean Mambrino N'être pour naître ed José Corti
Tags : liberté, ciel, eau, brise, triton, phrase, vie, Mambrino
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Commentaires
Oui, tout reste encore à écrire: l'existentialisme contre l'essntialisme, la liberté créatrice contre la fatalité figée.
Bonne journée!
A Antigone Tout reste à écrire je ne sais pas mais pour moi tout reste à lire ! Bonne journée
Il y a le texte entier de Maeterlink sur le site indiqué, et ce texte est phénoménal.
C'est, avec Michaux, le deuxième Belge qui fait très mal avec une plume...
Merci pour la précision, ja vais aller lire et pour la découverte puisque je ne connaissais pas Maeterlink.
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Beau texte. je dis cela spontanément parce que je n'ai vu le nom de l'auteur qu'à la fin.
Et une idée me vient, est-ce que ça ne me rappelerais pas un texte sublime de Maurice Maetertlink sur les abeilles ?
Là: http://www.gutenberg.org/catalog/world/readfile?fk_files=2344450&pageno=2
Allez, pour la bonne bouche:
En ce lieu, comme partout où on les pose, les ruches avaient donné aux fleurs, au silence, à la douceur de l'air, aux rayons du soleil, une signification nouvelle. On y touchait en quelque sorte au but en fête de l'été. On s'y reposait au carrefour étincelant où convergent et d'où raEn ce lieu, comme partout où on les pose, les ruches avaient donné aux fleurs, au silence, à la douceur de l'air, aux rayons du soleil, une signification nouvelle. On y touchait en quelque sorte au but en fête de l'été. On s'y reposait au carrefour étincelant où convergent et d'où rayonnent les routes aériennes que parcourent de l'aube au crépuscule, affairés et sonores, tous les parfums de la campagne. On y venait entendre l'âme heureuse et visible, la voix intelligente et musicale, le foyer d'allégresse des belles heures du jardin. On y venait apprendre, à l'école des abeilles, les préoccupations de la nature toute-puissante, les rapports lumineux des trois règnes, l'organisation inépuisable de la vie, la morale du travail ardent et désintéressé, et, ce qui est aussi bon que la morale du travail, les héroïques ouvrières y enseignaient encore à goûter la saveur un peu confuse du loisir, en soulignant, pour ainsi dire, des traits de feu de leurs mille petites ailes, les délices presque insaisissables de ces journées immaculées qui tournent sur elles-mêmes dans les champs de l'espace, sans nous apporter rien qu'un globe transparent, vide de souvenirs comme un bonheur trop pur.