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Un dahlia
Courtisane au sein dur, à l'oeil opaque et brun
S'ouvrant avec lenteur comme celui d'un boeuf,
Ton grand torse reluit ainsi qu'un marbre neuf.
Fleur grasse et riche, autour de toi ne flotte aucun
Arome, et la beauté sereine de ton corps
Déroule, mate, ses impeccables accords.
Tu ne sens même pas la chair, ce goût qu'au moins
Exhalent celles-là qui vont fanant les foins,
Et tu trônes, Idole insensible à l'encens.
- Ainsi le Dahlia, roi vêtu de splendeur,
Elève sans orgueil sa tête sans odeur,
Irritant au milieu des jasmins agaçants !
Paul Verlaine Poèmes Saturniens
Tags : dahlia, verlaine, roi, splendeur, arome, sein, oeil, fleur, beauté
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Commentaires
J'aime lorsque la contemplation des fleurs fait parler notre humanité. Anthropomorphisme sans orgueil...
Que de vils sentiments dans ce regard, pauvre petit dahlia, et nous pauvres humains...
Mais si je n'aime pas ce poème de Verlaine, j'aime toujours le blog de Rien, deux choses si différentes.
6mizpirondoDimanche 11 Août 2013 à 12:20Au centre du poème, Verlaine brise le flux, le rythme, nous fait choir en même temps que lui. Bien sûr, ensuite, il redresse la tête et époussette un peu pétales & veston. Mais la fragilité est là (ce que j'aime dans Verlaine). Merci pour les belles nuances d'écriture que vous nous offrez. :)
C'est avec plaisir que je partage ce et ceux que j'aime même si le choix n'est pas tout le temps facile.
C'est tout de même étonnant de voir qu'un phare de la littérature française suscite aussi peu d'enthousiasme, là où des auteurs plus confidentiels (Mambrino) obtiennent des réactions...
A Joruri, sur Jean Mambrino une discussion s'est engagée au-delà des textes. Ce blog reste par ailleurs assez confidentiel et a peu de commentateurs ce qui n'enlève rien à leurs qualités. J'aurais peut-être dû choisir un autre poème de Verlaine celui-là n'étant peut-être pas le plus représentatif.
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Drolement sophistiqué... La question est: est-ce que cette nana est belle, désirable, ou hideuse et veule ?
Cet être de pierre, est-ce la femme de Loth, pétrifiée, glacée, indifférente ?
Ah, je le sens, ce texte désinhibé sent l'absinthe ! Le venin délicieux.