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La vie bon train proses de gare extrait
A deux minutes du départ, flegme oblige, les grands baroudeurs ne pressent pas le pas. Les partances sont étales, au début hésitantes puis s'accélèrent jusqu'au coup de sifflet, synthèse. Alors se remet en action l'immuable fonction des bras dans les gares : Je suis là, au revoir, au secours tu t'en vas (ou je te perds). Des gestes à nu ou prolongés d'un carré de tissu, d'un gant ou d'un foulard agité sans fin, très longtemps, jusqu'au vide (mouchoir). Est-ce pour cela que les âmes à vif se quittent bien avant le départ ? D'abord au mètre linéaire, la séparation se mesure vite en durée : Tu me manques, entre nous ce n'est pas l'espace, mais le temps : déjà trois minutes... Après totale disparition (bras levés), c'est le retour des ombres en peine (bras ballants) qui remontent le quai vide, offrant des nuques courbes, dos voutés, accablés du vertige de la nuit qui tombe. Sans se retourner les silhouettes se dispersent, bientôt dissoutes dans la foule en mouvement. Au sol, les papiers font des mouchoirs jetés après usage (agitation, sanglots).
Etienne Faure ed Champ Vallon p 17
Tags : gare, bras, vif, mouchoir, vide, Faure
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Commentaires
Pas tous narrables en effet et pourtant l'auteur en narre tout au long de son livre chacun dure une page (comme celui-là) et l'ensemble n'est pas du tout répétitif.
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Ce texte est difficile à commenter parce qu'il est posé là avec une sorte de complétude. On ne peut qu'assister aux émotions et aux regards subjectifs de l'auteur, apprécier les effets de surprise, et voilà. Les souvenirs de train font le reste, mais ne sont pas tous narrables.