-
Emile Verhaeren
LA NEIGE
La neige tombe, indiscontinûment,
Comme une lente et longue et pauvre laine,
Parmi la morne et longue et pauvre plaine,
Froide d'amour, chaude de haine.
La neige tombe, infiniment,
Comme un moment ―
Monotone ― dans un moment ;
La neige choit, la neige tombe,
Monotone, sur les maisons
Et les granges et leurs cloisons ;
La neige tombe et tombe
Myriadaire, au cimetière, au creux des tombes.
Le tablier des mauvaises saisons,
Violemment, là-haut, est dénoué ;
Le tablier des maux est secoué
A coups de vent, sur les hameaux des horizons.
Le gel descend, au fond des os,
Et la misère, au fond des clos,
La neige et la misère, au fond des âmes ;
La neige lourde et diaphane,
Au fond des âtres froids et des âmes sans flammes,
Qui se fanent, dans les cabanes.
Aux carrefours des chemins tors,
Les villages sont seuls, comme la mort ;
Les grands arbres, cristallisés de gel,
Au long de leur cortège par la neige,
Entrecroisent leurs branchages de sel.
Les vieux moulins, où la mousse blanche s'agrège,
Apparaissent, comme des pièges,
Tout à coup droits, sur leur butte ;
En bas, les toits et les auvents
Dans la bourrasque, à contre vent,
Depuis Novembre, luttent ;
Tandis qu'infiniment la neige lourde et pleine
Choit, par la morne et longue et pauvre plaine.
Ainsi s'en va la neige au loin,
En chaque sente, en chaque coin,
Toujours la neige et son suaire,
La neige pâle et mortuaire,
La neige pâle et inféconde,
En folles loques vagabondes,
Par à travers l'hiver illimité du monde.
Verhaeren, Poèmes 3ième série (1894), Les villages illusoires, La neige
LesLellusoires, La neige,
Tags : neige, tombe, fond, verhaeren, pauvre
-
Commentaires
Elle me manque la neige. A travers elle le silence. Le demi-sommeil du monde.
Je voudrais m'y enfouir. M'y fondre.
3...Mercredi 17 Décembre 2014 à 07:59Je n'arrive pas à voir la neige avec tristesse.
Pour moi la neige est douceur, silence feutré, caresse de plume et feu d'artifice quand elle rencontre un rayon de soleil...
Elle redessine les paysages en un instant blanc, gommant la folie des hommes.
Amitié Rien
"La neige calfeutre les blessures du soleil" bien vu *
confortablement installée en intérieur, j'apprécie la neige tant que je n'ai pas besoin de me déplacer Kalya scintilla
Même en étant devant un feu de cheminée ... (bon j'ai pas de cheminée )
Moi non plus Pascal
Amitié et bonne journée à toutes et tous
Ajouter un commentaire
Sous le souffle de l'Ame
Sous le Coeur enferme
Sous le regard detourne
Sous les mains dechirees
Sous le corps secoue
La neige calfeutre
Les blessures du soleil...