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La musique seule
peut occuper le lieu de la pensée.
Ou son non-lieu,
son propre espace vide,
son vide plein.
La pensée est une autre musique.
Et la pensée seule
peut à son tour occuper le lieu de la musique
et s'infiltrer comme elle
à l'extrémité la plus lointaine de ce qui existe,
comme un presque animal si conséquemment fin
où l'être cesse d'être l'être
pour être un peu plus que l'être.
Roberto Juarroz dixième poésie verticale ed Corti traduction de François-Michel Durazzo
Tags : musique, pensee, être, Juarroz
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Commentaires
2icilondresVendredi 23 Août 2013 à 08:39le silence n'est pas indéfinissable
la question de toute une vie n'est pas impénétrable
la noirceur n'est pas infranchissable
la forteresse n'est pas une fin en soila poésie de Roberto Juarroz ressemble fraternellement à celle du Capitaine Alexandre (René Char) comme deux gouttes d'eau unies dans la même grandeur d'âme, de mots ciselés et épurés pour aller à l'essentiel, vers le haut vers le bas ou vers les deux ou vers ... qu'importe, pour aller.
merci Rien pour m'avoir fait relire une poésie que j'avais cru avoir oublié...mais non , on n'oublie rien...
3polymatheVendredi 23 Août 2013 à 10:10Je me dis, mélomane de toujours mais désormais apaisé, que décidément la musique est la voix de l'indicible. Les floralies de l'hiver et l'enfance préservée.
Et peu à peu pour moi la pensée a pris la forme de mélodies. Je ressens cette vitesse de croisière quand une idée me porte comme aux temps où phonomane j'étais soulevé de terre par une frise musicale. Aujourd'hui quelques sons pastoraux, quelques vapeurs de nappes et quelques clochetis dans le vent suffisent pour me mettre en état de symphonie. Je suis en harmonie avec ce qui en moi est un peu plus que moi. La musique qui dévoilait des horizons dévoile désormais des pensées. De cette abstraction purement sonore s'élaborent des songeries fécondes, des rapprochements et des conceptions esthétiques pastellisées. Je me souviens de ce temps où la musique faisait sous mes yeux se former et s'entrecroiser des "géomes" (formes géométriques entrelaçées et colorées en mouvement) et maintenant ces géomes sont devenus des vocables...Il y a des avant-ages. Est-ce un début de sagesse de ne plus distinguer entre phonèmes et lignes mélodiques ? En se rapprochant d'une unité conceptuelle globalisante dans laquelle mots, notes, ressentis préverbaux, émotions ne forment qu'un seul langage, un seul dit ?
5---Vendredi 23 Août 2013 à 10:44A Joruri Polymathe, la musique comme une nécessité. Tu sembles entretenir avec elle une relation privilégiée (hors normes je dirais presque).
A Icilondres je n'avais pas fait le rapprochement avec René Char, non on n'oublie pas. Merci de vos mots.
A Cédric il y a un autre poème de cet auteur sur le blog (et même en double exemplaires !!).
10icilondresVendredi 23 Août 2013 à 14:06Roberto Juarroz a traduit dans sa revue Poesia des auteurs français dont Paul Eluard, Antonin Artaud et René Char pour qui il avait une inclinaison particulière
et dans une lettre à Fernand Verhesen (un des traducteurs de "poésie verticale") René Char écrit réciproquement "… Roberto Juarroz est un vrai et grand poète qui nous est offert par votre main…".
le monde est petit chez les poètes mais grand par la fraternité
La musique, vibration universelle, physique polyphonique et rythmique qui se prolonge dans une métaphysique de l'âme. Tension extrême vers un peu plus que l'être, dans laquelle tous les contraires, s'entrechoquant, se conservent pourtant dans l'universalité.
Accord majeur, joie infinie.
Merveilleux poème, Rien, tel une musique dans nos pensées.
Etonnement cet autre poème ne m'avait pas marqué et pourtant tu l'avais publié le 5 juillet dernier et j'ai donc certainement dû le lire... :-)
Je l'ai relu et j'aime aussi ! :-)
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"La musique peut suffire pour une vie, mais une vie ne suffit pas pour la musique." (?)
"J'aime que la musique ne soit pas sourde à la chanson du vent dans la plaine, ni insensibkle aux parfums de la nuit" Jankélévitch.
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Toi toute en lyres qui as conservé en moi la nostalgie du premier jardin, tu m'as octroyé des ailes grâce auxquelles je peux, par-dessus les cîmes artificiels de ces villes, contempler les fastes de l'aurore. Tu as entretenu en moi la plus sainte et la plus sacrée des nostalgies.