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Le travail du poète (extrait)
à Guillevic
I
Les belles manières avec les autres
Sur l'herbe pelée en été
Sous des nuages blancs
Les belles manières d'être avec les femmes
Dans une maison grise et chaude
Sous un drap transparent
Les belles manières d'être avec soi-même
Devant la feuille blanche
Sous la menace d'impuissance
Entre deux temps et deux espaces
Entre l'ennui et la manie de vivre
II
Qu'êtes-vous venu prendre
Dans la chambre familière
Un livre qu'on n'ouvre jamais
Qu'êtes-vous venu dire
A la femme indiscrète
Ce qu'on ne peut pas répéter
Qu'êtes-vous venu voir
Dans ce lieu bien en vue
Ce que voient les aveugles
III
La route est courte
On arrive bien vite
Aux pierres de couleur
Puis
A la pierre vide
On arrive bien vite
Aux mots égaux
Aux mots sans poids
Puis
Aux mots sans suite
Parler sans avoir rien à dire
On a dépassé l'aube
Et ce n'est pas le jour
Et ce n'est pas la nuit
Rien c'est l'écho d'un pas sans fin
IV
Une année un jour lointains
Une promenade le coeur battant
Le paysage prolongeait
Nos paroles et nos gestes
L'allée s'en allait de nous
Les arbres nous grandissaient
Et nous calmions les rochers
C'est bien là que nous fûmes
Réglant toute chaleur
Toute clarté utile
C'est là que nous chantâmes
Le monde était intime
C'est là que nous aimâmes
Une foule nous précéda
Une foule nous suivit
Nous parcourut en chantant
Comme toujours quand le temps
Ne compte plus ni les hommes
Et que le coeur se repent
Et que le coeur se libère
V
Il y a plus longtemps encore
J'ai été seul
Et j'en frémis encore
O solitude simple
O négatrice du hasard charmant
J'avoue t'avoir connue
J'avoue avoir été abandonné
Et j'avoue même
Avoir abandonné ceux que j'aimais
Au cours des années tout s'est ordonné
Comme un ensemble de lueurs
Sur un fleuve de lumière
Comme les voiles des vaisseaux
Dans le beau temps protecteur
Comme les flammes dans le feu
Pour établir la chaleur
Au cours des années je t'ai retrouvée
O présence indéfinie
Volume espace de l'amour
Multiplié
(...)
Paul Eluard Poésie ininterrompue ed Poésie / Gallimard
Tags : coeur, femme, jour, nuit, rien, aube, solitude, lumière, amour, Eluard
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Commentaires
3icilondresMercredi 28 Août 2013 à 18:44oui Rien , très bonne attention , par pudeur je ne dirai pas publiquement de quoi il s'agit
bonne soirée
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Et j'avoue l'avoir été aussi et j'avoue même l'avoir fait aussi...
merci Rien pour ce poème d'Eluard qui fait surgir ce que je garde au fond de moi.